Co-propriétaires, co-responsables : le pari gagnant d’Elneo


Jonathan Bouhy et Florienne Humblet
Épisode #35

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Co-propriétaires, co-responsables : le pari gagnant d’Elneo

Dans ce 35ème épisode de HR Stay tuned on parle culture d’entreprise et engagement !

J’ai reçu Jonathan Bouhy, CEO, et Florienne Humblet, HR Manager chez Elneo. Ensemble, on explore un modèle basé sur la transparence, la responsabilisation et l’actionnariat interne. Une culture forte, un onboarding structuré, du feedback continu et une mobilité valorisée : autant de leviers RH qui font la différence chez Elneo.

Un épisode inspirant pour repenser la performance et la fidélisation des talents 🎧

Comment contacter Jonathan Bouhy et Florienne Humblet ?

🔗 Linkedin de Jonathan Bouhy : https://www.linkedin.com/in/jonathan-bouhy-06397221

🔗 Linkedin de Florienne de Humblet : https://www.linkedin.com/in/florienne-humblet

🔗 Elneo : https://www.elneo.com/fr/


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La retranscription du podcast, c'est par ici ...

Amélie Alleman : Bonjour et bienvenue dans HR Stay tuned, le podcast RH de Bee tune. Aujourd'hui, je suis en compagnie de Florienne Humblet et Jonathan Bouhy. Bonjour !

Jonathan Bouhy : Bonjour.

Florienne Humblet : Bonjour.

Amélie Alleman : Merci de nous consacrer du temps. Jonathan, tu es le responsable d'Elneo, et Florienne, responsable RH.

Florienne Humblet : C'est ça.

Amélie Alleman : Avant de rentrer dans le vif du sujet, je vous laisse le temps de vous présenter.

Jonathan Bouhy : Moi, c'est Jonathan Bouhy, 38 ans, papa de trois enfants. Je suis dans la société depuis 14 ans. J'ai fait un peu tous les postes et je suis le directeur depuis 2016.

Amélie Alleman : L’entreprise a été fondée par ton grand-père.

Jonathan Bouhy : Fondée par mon grand-père en 68 et dirigée par mon père de plus ou moins 1983 à 2016.

Amélie Alleman : Et tu as repris directement la relève ?

Jonathan Bouhy : J'ai d'abord fait 5 ans dans un peu tous les postes : j'ai été commercial, j'ai géré des équipes, puis je suis redevenu commercial. J’ai repris les achats, puis j'ai repris la société avec mon frère en 2016 et seul, avec les collègues, en 2023.

Amélie Alleman : C’est donc vraiment une société familiale.

Jonathan Bouhy : Oui, c'est la pure PME belge, troisième génération. On est en plein là-dedans.

Amélie Alleman : Génial. Florienne, je te laisse te présenter ?

Florienne Humblet : Moi, c'est Florienne, je suis responsable RH chez Elneo depuis 5 ans et demi. J'ai une expérience précédente essentiellement en formation et insertion socioprofessionnelle. J'ai rejoint Elneo entre autres en vue de développer particulièrement l'aspect soft RH et le management participatif.

Amélie Alleman : Génial. Jonathan, tu nous présentes un peu la société avant qu'on rentre dans le vif du sujet ?

Jonathan Bouhy : Elneo a été créé en 68 par mon grand-père. À l'époque, c'était pour la pneumatique, c'est-à-dire l'utilisation de l'air comprimé en industrie. Petit à petit, mon grand-père a développé de nouveaux départements. Maintenant, nous avons un département pour l'instrumentation, qui concerne la haute pression et la mesure dans les tuyaux. Par exemple, pour les canalisations de gaz, on ne peut pas les ouvrir pour voir ce qui se passe. On met donc des instruments pour mesurer le débit ou la pression. On a toujours le département pneumatique, et on a rajouté le département compresseur, qui est la création de l'air comprimé qu'on utilise en pneumatique.

On est présent en Belgique sur trois sites, avec une répartition 50-50 entre la Wallonie et la Flandre, ce qui est une de nos singularités. On a un siège à Liège, un à Wetteren et un à Anvers. En 2020, on a ouvert en France. Nos bureaux sont à Lille, mais nos commerciaux sont sur la route dans toute la France. La logistique se fait depuis la Belgique. On a ouvert au Canada l'année dernière et on s'apprête à racheter une entreprise aux Pays-Bas. On grandit pas mal, on est maintenant une centaine de personnes pour 25 millions de chiffre d'affaires.

Amélie Alleman : Bravo ! Félicitations au grand-père. Toute la famille s'y est mise. Tu travailles encore avec ton frère ?

Jonathan Bouhy : Non, Mathieu a quitté en 2023, ce qui a créé tout le chamboulement. En 2016, on avait racheté avec mon frère. En tant que troisième génération, on était à l'époque 19 actionnaires. Ça devenait un peu beaucoup, et avec la logique derrière, tout le monde n'était pas concerné par l'entreprise de la même manière. J'ai des cousins qui sont architecte, kiné... on a un peu de tout. À l'époque, on a donc décidé de tout racheter à nous deux. Quand Mathieu a voulu quitter en 2023, la question du management s'est posée, mais aussi celle de l'actionnariat.

Amélie Alleman : On va rentrer dans le vif du sujet. Au niveau de l'actionnariat, tu as décidé d'ouvrir le capital aux collaborateurs. C'est là que s'est posée la question ?

Jonathan Bouhy : Oui, tout à fait. Quand Mathieu m'a communiqué sa volonté d'arrêter, j'ai été face à un choix : est-ce que je quitte, je revends, ou je reste ? Ça a beaucoup travaillé à l'intérieur. Je me souviens de la semaine où on a commencé à envisager de revendre : je ne dormais plus, j'avais mal au ventre, des crampes partout. Je me suis dit : « John, ton corps t'envoie un message, il faut que tu trouves une autre solution ». Je lui ai donc dit que je ne revendrai pas. J'avais une loyauté familiale et une loyauté par rapport à tous les collègues. Dans ma croyance, j'avais l'impression de les abandonner. Ça allait probablement être un fonds d'investissement ou un gros groupe industriel qui rachèterait, et vu notre culture assez particulière, je me disais qu'elle allait être broyée. Je ne pouvais pas être responsable de ces conséquences. J'ai donc dit à Mathieu : « Je ne revendrai pas. Par contre, je veux bien reprendre les actions à une condition : que tu me laisses du temps pour ouvrir le capital aux collègues ». Je ne voulais plus rester dans l'ancien modèle. Vu notre management très participatif, je trouvais malhonnête intellectuellement de dire à la fin : « C'est moi qui prends tous les résultats de l'entreprise », alors que toute l'année, on dit qu'on fait le travail ensemble. J'avais envie de remettre de l'équilibre, et c'est là qu'on a lancé le projet d'actionnariat salarié.

Amélie Alleman : Donc, c'est venu de toi, au niveau de ta vision, de la structure de la société ?

Jonathan Bouhy : Oui, et après, on l'a construit ensemble. La volonté venait de ma part, mais la construction s'est faite par étape. J'ai d'abord demandé à Florienne et à Virginie, notre directrice financière. Je les ai invitées à la maison pour leur annoncer le départ de Mathieu et leur proposer ce projet, en partant d'une feuille blanche. On l'a construit à trois, puis on l'a présenté à nos 14 responsables pour avoir leur feedback, avant de le présenter à toute la société pour que ce soit un projet qui nous ressemble.

Amélie Alleman : Juste une étape avant : le management participatif a toujours été comme ça ?

Jonathan Bouhy : Non, mes grands-parents, c'était à l'ancienne, très en contrôle. Mon père, lui, était beaucoup plus humaniste. Il disait qu'il fallait construire une société bénéficiaire et humaine, et que l'un ne pouvait se faire au détriment de l'autre. Quand on a repris avec Mathieu, on a essayé de pousser ça encore plus loin, en impliquant les gens dans le processus de décision. On essaie vraiment que la décision soit prise au plus proche du terrain. Un commercial qui rencontre un client a un avis beaucoup plus pertinent que moi. On essaie d'amener la décision au plus proche du terrain possible, plutôt que de faire l'inverse. On a donc pas mal de systèmes en place pour faire vivre ça et avoir une communication dans les deux sens.

Amélie Alleman : Tu as des exemples ?

Jonathan Bouhy : On a ce qu'on appelle l'Open Lunch. Une fois par mois ou deux, on se réunit, et une semaine avant, on envoie un formulaire anonyme où chacun peut poser toutes ses questions, sans tabou. On a déjà eu des questions comme : « À quoi servent les managers ? ». Je réponds à toutes les questions, sans exception. On communique aussi tous nos comptes à toute la société. C'est vraiment d'essayer de se dire qu'on n'a pas affaire à des enfants. Dans la vie privée, on gère tous des budgets, des plannings. J'ai l'impression que dans beaucoup de sociétés, quand on passe la porte, c'est comme si on nous retirait notre cerveau. Nous, on essaie de casser ça et de dire : « Si vous voyez un problème, résolvez-le. Si vous avez besoin d'aide, on est là ». On est plus une aide que quelqu'un qui dirige.

Amélie Alleman : Florienne, tu avais déjà connu le management participatif avant ?

Florienne Humblet : Oui, je l'avais déjà pratiqué, mais peut-être pas à ce niveau. C'est quelque chose qui me donne de l'énergie. C'était l'idée en arrivant chez Elneo : contribuer à développer le management participatif. Les valeurs de la société m'ont aussi attirée.

Amélie Alleman : Tu y vois des challenges particuliers ?

Florienne Humblet : Les challenges sont là au quotidien. Pratiquer le management participatif demande beaucoup plus de temps et de réflexion qu'une gestion top-down. Il faut impliquer les gens, consacrer du temps, expliquer, demander du feedback, adapter les choses. Et avec notre développement, si on acquiert d'autres entreprises, ça demandera aussi beaucoup d'énergie pour associer les nouveaux collaborateurs à cette dynamique.

Amélie Alleman : C'est quelque chose que tu prends en compte dans le recrutement ?

Florienne Humblet : Oui, bien sûr. On essaie de valider que les collaborateurs s'inscrivent dans cette dynamique. On met fort en avant l'autonomie et la prise de responsabilité. Pour prendre des décisions sur le terrain, il faut être autonome. Sans jugement, certaines personnes ont besoin d'un cadre plus directif, mais chez nous, ce ne sera pas le cas. Chaque personne organise son temps de travail et gère ses priorités.

Amélie Alleman : Jonathan, le projet a donc commencé suite au départ de ton frère, sur une feuille blanche. Comment ça s'est passé ?

Jonathan Bouhy : C'était un des seuls jours stressants de ma vie professionnelle. Quand on a un rêve et qu'on le dit à haute voix, on ne peut plus le ravaler. Si les gens en face disent : « C'est débile ce que tu viens de dire », c'est difficile. C'était une sorte de mise à nu. Mais je me doutais que Florienne et Virginie seraient dans le même état d'esprit. On a commencé par visiter d'autres entreprises qui l'avaient déjà fait. Ce qui était intéressant, c'est que nos visions étaient complémentaires : moi, l'actionnaire qui prenait un risque de perte de contrôle, et elles, des non-actionnaires qui prenaient le risque d'investir. On s'est challengé dans la bienveillance et on a pu faire sauter nos croyances limitantes. Par exemple, au début, on pensait limiter aux managers, mais on s'est rendu compte qu'on ne faisait que reproduire un modèle élitiste. On s'est donc demandé : « Pourquoi ne pas ouvrir à tout le monde ? ». On s'est rendu compte qu'un de nos magasiniers investissait en bourse et en savait potentiellement plus qu'un manager sur le sujet.

Amélie Alleman : Et Florienne, toi, tu l'as vécu comment ?

Florienne Humblet : C'était très énergisant, très challengeant et, en termes d'engagement, très engageant. À titre personnel, j'ai toujours eu la volonté d'entreprendre. Ici, j'avais la possibilité de continuer à travailler dans la société tout en étant quelque part entrepreneuse, ou ce qu'on appelle l'intrapreneuriat.

Amélie Alleman : Quelle a été ta mission en termes de communication et d'accompagnement ?

Florienne Humblet : On a vraiment travaillé la communication en trio. Jonathan s'est focalisé sur le « pourquoi » : sa motivation à ouvrir le capital. Virginie, notre CFO, s'est concentrée sur l'information financière, en la vulgarisant pour la rendre accessible. C'est un point important que d'autres entreprises nous avaient mentionné : s'adresser à des gens qui ne connaissent pas forcément l'actionnariat. On a fait un gros effort de pédagogie. On s'est d'abord adressé aux managers, on a fait un test de compréhension avec eux et on les a formés pour qu'ils soient des relais. Ensuite, on a phasé la communication vers tous : une première présentation sur la philosophie, des supports visuels, un FAQ, des webinaires. Puis un roadshow financier plus concret sur le calcul de la valeur d'une action, l'EBITDA, etc. Et enfin, une communication plus ciblée pour ceux qui voulaient devenir actionnaires, sur le pacte, les règles d'entrée et de sortie. La communication continue. On a bien insisté sur le fait que l'investissement comporte des risques : « N'investissez que ce que vous êtes capable de perdre ». Et nous restons très disponibles pour répondre à toutes les questions.

Jonathan Bouhy : On a multiplié les canaux de communication pour que chacun puisse avoir l'information comme il le souhaite. Et on a bien clarifié une chose très importante : « Ce n'est pas parce que vous devenez actionnaire que vous devenez dirigeant ». Le management participatif et l'actionnariat participatif sont deux choses différentes.

Amélie Alleman : Il y a eu deux vagues, si j'ai bien compris ?

Jonathan Bouhy : On a signé la première en février 2024 et on a réouvert cette année. Après, on va ouvrir tous les deux ans. L'idée est d'avoir du mouvement sans créer une bourse interne. On ne voulait pas que l'argent soit au centre des discussions quotidiennes. C'est du long terme. Pour revendre, il faut être actionnaire pendant au moins quatre ans. Le but n'est pas la plus-value rapide.

Amélie Alleman : Concrètement, tu as eu quoi comme résultat ?

Jonathan Bouhy : Pour moi, c'est très positif. À la base, j'espérais avoir cinq actionnaires. Ça devait aller très vite. On a commencé à communiquer en septembre et la décision devait être prise en novembre. Au final, on est 30 actionnaires, soit 30 % des effectifs. Ils détiennent déjà 10 % du capital et devraient atteindre 15 % avec les nouveaux arrivants.

Amélie Alleman : Le reste, c'est toi ?

Jonathan Bouhy : Le reste, c'est moi, mais j'ai la volonté de devenir minoritaire. Je trouve que pour que le modèle fonctionne, Elneo doit appartenir à Elneo, et non à une seule personne. Tant que je suis majoritaire, le modèle n'est pas complet. Si je deviens minoritaire, la société est moins à risque en cas de problème me concernant. C'est ma responsabilité d'assurer la pérennité de l'entreprise, et ça passe aussi par l'actionnariat.

Amélie Alleman : Tu vois un changement fort au niveau de la posture, de la culture d'entreprise ?

Jonathan Bouhy : Je ne dirais pas "fort", car le modèle ne fonctionnerait pas dans une entreprise traditionnelle. La culture participative était déjà là. La différence est plus nuancée, dans la posture. Certains se sont rendu compte que pour avoir un réel impact, il ne faut pas seulement penser à son travail, mais aussi à celui des collègues et à des projets collectifs. Un commercial qui cartonne seul n'aura jamais le même impact que s'il arrive à embarquer deux ou trois équipes avec lui dans une nouvelle méthode. Je pense qu'il y a eu ce déclic "entreprise" plutôt que "mon boulot".

Florienne Humblet : Oui, clairement, il y a plus d'intérêt de la part des collègues vis-à-vis des résultats de l'entreprise. Et avec nos quatre sociétés différentes, les gens ont mieux compris qu'avant que nous sommes tous ensemble pour Elneo.

Amélie Alleman : Qu'est-ce qui te drive ?

Jonathan Bouhy : J'adore bâtir des choses, essayer des choses nouvelles. Mon père était un anticonformiste. Je trouve qu'on critique souvent ceux qui ont le pouvoir, mais quand on y est, on en profite. Je n'ai pas envie d'être cette personne. Je crois qu'un monde différent est possible, pour Elneo et pour le monde en général. J'essaie de faire le mieux possible, de trouver un modèle hybride où les côtés positifs du capitalisme sont disponibles pour tous. Même avec nos produits, qui sont énergivores, je me dis qu'il vaut mieux rester et essayer d'améliorer les choses que de laisser la place à des gens qui n'y croient pas. Il y a tellement à faire, ça me drive. Seul, on va vite, ensemble, on va loin. Une fois qu'on a réussi à mobiliser tout le monde, il y a une telle énergie, c'est fantastique. J'ai l'impression que tout est possible.

Amélie Alleman : Comment progresses-tu, comment apprends-tu ?

Jonathan Bouhy : Je discute très ouvertement avec les managers, je demande à être challengé. Je fais aussi partie d'un groupe d'entre-chefs, des dirigeants propriétaires d'entreprise. On se voit tous les mois pour partager nos enjeux. C'est une sorte de consultance entre pairs, et c'est extraordinaire. On essaie de s'inspirer partout où on peut, car il y a énormément de choses inspirantes qui se font dans d'autres sociétés.

Amélie Alleman : Un mot de la fin ?

Florienne Humblet : L'aventure ne fait que commencer.

Jonathan Bouhy : Oui. Je crois qu'il faut oser. Que ce soit chez nous ou chez vous qui écoutez, osez vos rêves, osez les choses différentes. De temps en temps, on se prend une claque, mais la plupart du temps, on vit une belle aventure. Il y a des risques, mais si on ne les prend pas, est-ce que la vie en vaut la peine dans la monotonie ? Donc je dirais : osez.

Amélie Alleman : Super. Merci beaucoup à vous deux. J'ai passé un super moment. Merci et plein de beaux succès à Elneo.

Jonathan Bouhy : Merci beaucoup.

Florienne Humblet : Merci.